Alors que la pluie s’abat sèchement sur le pare-brise de ma voiture, j’arpente les routes départementales sinueuses de la Bretagne en direction du Cap Fréhel. Les tourbillons de vent balayent de droite à gauche la végétation qui tapisse la route. L’asphalte peine à aspirer le déluge et des flaques d’eau apparaissent un peu partout. Je traverse des villages typiquement bretons où les chaumières fleuries côtoient des longères en granit qui semblent traverser le temps. Eglises et crucifix trônent au coeur des villages rappelant constamment l’importance de la religion dans cette région.

Après quelques kilomètres j’aperçois la mer qui se dessine dans une brume épaisse comme dans un tableau impressionniste. Au loin elle paraît paisible comme l’eau d’une source endormie en haut d’une montagne. Arrivée au Cap Frehel je stationne ma voiture sur le parking mis à disposition des visiteurs. Je profite d’un climat plus clément pour sortir de la voiture et aller entamer ma visite du site.

 

 

Le ciel reste menaçant et étale sa couleur grisâtre jusqu’à l’horizon. Je marche jusqu’au phare qui siège au milieu des landes vivement colorées grâce à une végétation luxuriante. J’admire l’édifice et en laissant vaquer mon esprit j’imagine son puissant projecteur être le salut des marins éperdues et désorientés une nuit de forte tempête. Battue par le vent, je continue mon chemin vers le bout de la langue côtière que forme le site. Arrivée au bord de la falaise c’est toute la richesse des paysages bretons qui m’explose à la figure. La mer d’émeraude vient frapper les falaises composées de grés roses sur lesquelles se couche une flore teintée de jaune, de vert et de violet. Le spectacle est aussi fascinant qu’intimidant tant la puissance de la nature se reflète dans chaque détail du paysage.

 

 

L’érosion marine a sculpté des « escaliers » naturels dans la falaise ce qui permet de descendre le long des parois. A certains endroits cette détérioration naturelle creuse la roche et laisse apparaître des grottes qui appellent à défier la mer pour les explorer. Cette construction spectaculaire et hasardeuse de Dame Nature a laissé apparaitre des pics de roches de longueurs et de largeurs aléatoires me rappelant les formes architecturales de certains temples cambodgiens. Des îlots rocheux en forme de pointe offrent des refuges idéaux pour de nombreux oiseaux marins qui paradent le long de la côte. J’observe du coin de l’œil les gestes hésitant de certains visiteurs qui veulent défier le site en s’aventurant en dehors des sentiers battus. Il est tentant de laisser sa curiosité prendre le dessus et de narguer la nature et ses obstacles pour s’engouffrer dans son intimité. J’ai moi-même cédé car j’aime grimper et explorer mais de façon raisonnable, je ne me laisse jamais aspirer par le danger. Après une escalade périlleuse et quelques remontrances d’Ingrid, j’ai le droit à un tête à tête privilégié avec l’horizon qui se dénude sous mes yeux. Ici je me sens vivante. Je peux sentir le chemin emprunté par la brise qui s’engouffre dans mon corps pour se déposer doucement sur mes bronches et les gâter d’une bonne cuvée d’air frais et iodé. Je peux sentir mon cœur, cette petite chose si fragile, frapper ma poitrine de toutes ses forces pour me maintenir en vie. Je peux sentir mes joues et mon nez rougirent pour se protéger du froid. La nature et sa beauté parviennent à mettre mes problèmes et mes soucis à genoux et laisser mon esprit dans un espèce de vide invitant à planer. Je profite de ces quelques minutes de retrouvailles avec moi-même avant de remonter rejoindre Ingrid. Je longe avec elle le chemin qui borde le précipice et qui nous dévoile un peu plus la richesse ornithologique du site. Quelques oiseaux ont décidé de se nicher sur les pics de roche tandis que d’autres survolent majestueusement la mer en quête d’une proie.

 

 

Au loin, triomphant d’un épais brouillard, les traits du Fort La Latte viennent se dessiner dans le paysage. Ce château dont les pierres ont traversé les siècles semble aujourd’hui encore veiller précieusement sur les trésors de ces terres bretonnes. Une fois notre balade terminée je regagne l’habitacle de ma voiture. Un concert de gouttes d’eau vient malmener une nouvelle fois la carrosserie. La pluie se remet à tomber en cascade. C’est ça la magie de la Bretagne, un climat capricieux et imprévisible au service de la nature à la fois sauvage et belle.

 

Cap Frehel

 

Sur le chemin pour rentrer Ingrid me fait part de son envie de visiter la pointe du chevet. Je dévie légèrement ma route pour accéder à sa requête sous le balai trépidant des essuie-glaces qui s’esquintent dans leur travail. Je profite d’une fenêtre météo stable pour garer la voiture et atteindre le bout de la pointe à pieds. Le ciel s’assombrit dangereusement donnant une couleur grisâtre au sable et à la mer. La brume pâteuse est transpercée par les silhouettes de chevaux montés par des cavaliers affrontant les éléments. Soudain, une épaisse goutte sortant du ventre d’un nuage menaçant vient mourir le long de ma main. Puis, très vite, c’est la dégringolade, un rideau de pluie tropicale s’écroule devant moi. La dernière fois que j’ai vu une pluie aussi violente c’était à Edimbourg. Très vite les routes deviennent impraticables pour les voitures, des piscines d’eau se forment dans chaque irrégularité de la chaussée. Je regagne ma voiture au pas de course. Pantalon, pull, cheveux, élastique, pieds, chaussettes, chaussures et même culotte, rien n’aura échappé aux gouttes assassines de l’intempérie. C’est donc trempée comme si je revenais d’un bain toute habillée que j’attaque le chemin du retour pour rentrer au camping. Pourtant, le climat instable et les déferlements puissants des forces de la nature font, pour moi, partis du charme de la Bretagne et contribuent à la magie qu’elle véhicule.

 

Pointe du Chevet

Pointe du Chevet

 

Infos pratiques

 

Parking disponible à l’arrivée au Cap Fréhel (payant à partir du 01/04)

Moto : 2 €
Voiture : 3 €
Camping-car, fourgon aménagé : 5 €

 

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Article écrit par Aurélie


2 Comments

Voyages et Compagnie (Camille) · 11 septembre 2017 at 14 h 55 min

Ohlala, que c’est beau ! J’ai un très mauvais souvenir de la Bretagne, mais je pense plus en plus que je n’étais juste pas aux bons endroits (ni avec les bonnes personnes). Je pense que je vais bientôt relaisser sa chance à cette région que tout le monde semble adorer. ♡

    Desplanssurloreiller · 11 septembre 2017 at 15 h 01 min

    Merci Camille 🙂 Ecoutes fonces ! Je n’étais pas forcement une adepte de la Bretagne et Aurélie m’a convaincu et effectivement les lieux sont magnifiques. Mais comme tu dis, parfois les personnes avec qui tu pars jouent beaucoup sur ton séjour 🙂

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