Jour 15 : L’arrivée à Page
La route pour Page est très monotone. Ce n’est qu’une succession de tracés de lignes de peinture jaunes stratifiées sur du bitume grisâtre entouré de terre. Pas trop de présence humaine à l’horizon et même pas de petites villes. Ça nous laisse le temps avec Ingrid de revenir sur notre voyage. De San Francisco avec son climat capricieux et venteux, à Yosemite et son ciel orageux menaçant, en passant par de la neige miraculée à Séquoia et du soleil caniculaire à Moab. Nous avons l’impression d’avoir traversé les saisons.
Je m’aperçois que le compteur kilométrique frôle les 3000 bornes. Conduire aux USA est un réel plaisir que je n’ai pas songé une seconde à donner le volant à Ingrid. Nous arrivons tôt dans l’après midi à notre hôtel ce qui nous laisse le temps d’aller faire quelques courses au Walmart. Nous parvenons enfin à acheter du fromage et une baguette. On affiche des sourires satisfaits et béats de pouvoir retrouver un peu les saveurs de la maison. Cette consolation culinaire nous coûte cher mais on s’en fiche, ça nous manque trop.
19h
Nous sommes allées à Horseshoe bend. J’ai déjà vu cet endroit sur Google, c’est joli sur les photos. Le Colorado y coule en suivant les courbes d’un fer à cheval. Nous espérons avoir de jolies couleurs pour le coucher du soleil. Sur place il y a déjà beaucoup de monde. De loin, les gens ressemblent à des petites abeilles qui bourdonnent près d’une ruche. Les flashs crépitent, c’est l’effervescence. Guidée par ma curiosité, je continue le chemin qui mène au point de vue. Trépieds perchés au bord du gouffre, perches à selfies déroulées telles des cannes à pêche, des bras tendus qui soutiennent de lourds appareils photos, les gens sont équipés et prêts comme jamais.
Je vois des filles se hisser difficilement sur des rochers pour prendre des poses particulières devant des objectifs. J’avance pour avoir une vue sur le Colarado. Je distingue à peine l’eau qui coule, on dirait qu’elle s’est figée, comme si elle était tapissée d’un miroir géant. Des rafales de vent fouettent violemment mon visage tandis que le soleil s’apprête à disparaître de l’horizon.
Les gens autour de moi s’agitent. Chacun a la recherche du cliché parfait. Certains n’hésitent pas à flirter inconsciemment avec la mort en se rapprochant dangereusement du précipice pendant que les mouvements de l’air continuent de s’agiter. Ils me donnent tous un vertige nauséeux. J’ai la frousse, je n’arrive pas à profiter de cet endroit. Le soleil finit par disparaître totalement de l’horizon, n’offrant pas le spectacle de couleurs voulu. Je demande à Ingrid de partir. La foule agitée, ce n’est pas mon truc.
Jour 16 : Refuser de tourner la Page
Nous avons réservé une excursion pour visiter Antelope Canyon. J’ai lu que ça se faisait un peu à la chaîne, c’est un endroit très convoité et prisé des touristes et des photographes. La visite se fait avec un guide navajo par petit groupe d’une douzaine de personnes. Nous on a le créneau de 9h30, parfait pour éviter l’influence du midi, l’heure la plus convoitée car elle offre la meilleure lumière.
Nous voila à nouveau dans un 4×4 sur un chemin off road sableux et rocailleux qui nous remue comme des chaussettes dans une machine à lavée. On sympathise avec le guide, un navajo rondouillard, coiffé de cheveux couleurs corbeaux, un peu distant au premier abord. Il lance un son sur son autoradio, du Tupac. Ingrid saisit l’occasion pour lui faire décrocher ses premiers mots. Il dit être nostalgique des musiques qu’il écoutait lorsqu’il était au lycée. Sa voix joviale casse son côté froid.Nous arrivons à destination, des rangées de 4×4 déjà stationnés dans le sable annoncent que nous serons loin d’être seuls.
L’entrée dans le canyon ressemble à une fissure géante. Comme si deux terres s’étaient séparées par un violent séisme. J’ausculte la faille qui dégage une noirceur hostile contrastant avec le sable dorée qui ornent le sol. Le pas guidé par la curiosité je m’engouffre tel un spéléologue dans la fissure où la lumière disparaît derrière moi. Le groupe me talonne. Égoïstement j’aimerais qu’il fasse marche arrière pour me laisser seule. A l’intérieur de l’antre, la roche est à la fois frigide et douce. Les parois sont si lisses, comme si le vent les avaient coiffées avec une brosse. Les grains de sablent semblent s’être figés par le manque de clarté.
En levant les yeux je vois la lumière du jour qui essaie de se frayer un chemin entre les flans du canyon. D’en bas, certaines formes rocheuses situées en hauteur ressemblent à des fleurs qui tentent d’éclore en allant chercher la lumière. Des cascades de dégradés de couleurs rosées et orangées coulent sur la roche ce qui ravie les amateurs de jolies photos. Le guide ne nous presse pas et à ma grande surprise nous ne croisons pas beaucoup de monde. C’est parfait pour l’immersion. La froideur de la matière et les couleurs qui se dépeignent sous mes yeux me font penser à une église. Il ne me manque d’ailleurs que juste un silence religieux pour communiquer avec la pierre.
Je me prête volontiers au jeu de la photo, c’est tellement magnifique il faut que j’immortalise ça a ma façon. La visite tire sur mes cervicales qui sont beaucoup pointées vers le haut pour observer la lumière du soleil transpercer les gorges et s’étaler sur le gré. Après un chemin de 200 mètres, la sortie du tunnel scintille devant moi. Comme si la lumière du jour pouvait s’épanouir à nouveau en-dehors de l’antre. Le guide nous indique que pour le chemin du retour il faudra filer droit et ne pas prendre de photo pour ne pas gêner les autres visiteurs. Pas de problème, j’emboîte le pas pour retourner dans la gueule du canyon. Je passe devant une file indienne de personnes et j’esquive plusieurs groupes de photographes venus avec des trépieds. Quand je vois ça, je me réjouis d’avoir pu bénéficier d’un horaire calme sans trop de monde.
14h00
Après une bonne sieste, nous décidons de pique niquer à Glen Canyon devant le lac Powell. C’est une parenthèse douce et agréable. Le soleil caresse mon nez, les arbres se balancent doucement au rythme de la brise et le silence m’apporte une certaine quiétude. Ingrid a préparé les fameux sandwich au fromage. Cette explosion de bonnes saveurs en bouche est un régale pour mes papilles.
Puis je suis allée me baigner dans le lac. Il ressemble à un saphir gigantesque incrusté au milieu du désert. Sa couleur est éclatante. L’eau est fraîche mais j’ai connu pire. Après quelques brasses, nous sommes allées observer le barrage d’un peu plus près. Il est colossal, un mastodonte de béton qui emprisonne une eau si paisible et calme. C’est notre dernière nuit à Page. Demain je verrai le Grand Canyon. J’appréhende chaque jour différemment car on se rapproche doucement de la fin de ce voyage fabuleux. Si j’écrivais ce texte avec un stylo, mon écriture serait tremblante. Je ne veux pas que ça s’arrête…
4 Comments
Chacha Aventurière · 11 juin 2019 at 6 h 32 min
Comme toi je n’ai pas arrêté de toucher les parois de Antelop Canyon, nous il était 6h30 du mat quand nous l’avons visité, nous étions les 1er de la journée…un moment inoubliable.
Une fois que l’on entame le 1/2 tour de la boucle vers LA, çà passe de plus en plus cite, profitez encore plus de chaque moment, de chaque instant
Desplanssurloreiller · 11 juin 2019 at 15 h 01 min
Merciii, oui ça va passer extrêmement vite. On arrive à Los Angeles ce soir 😱😱😱
Céline · 12 juin 2019 at 11 h 29 min
Moi non plus je ne veux pas que ça s’arrête ! J’adore lire ces petits bouts d’USA.
Desplanssurloreiller · 12 juin 2019 at 15 h 14 min
Oh merci beaucoup 🧡 Plus que 4 jours à raconter et c’est le retour à Paris, profitons encore un peu 😘